Aaaaah l'âge d'Eva, en voilà un sujet sensible, aux multiples réponses. Il est vrai que peu de gens avaient véritablement su sa longévité, peu de gens avaient même su se décider quel âge lui donner officiellement. Sur sa carte d'identité, restait marqué qu'elle naquit en 1931, donc officiellement, elle avait passé la barre des 90 ans. D'un point de vue mental et de ce qu'elle avait vécu, elle avait techniquement 22 ans, mais si l'on partait du principe qu'elle avait autant de connaissances qu'un nouveau-né par rapport au monde moderne, elle pouvait être considérée comme une très jeune enfant.

-Oh probablement la réponse qui vous conviendra le mieux entre 3 ans, 22 ans et 91 ans ! Les préférences, ça ne se discute pas après tout ! ~

Oui bon, l'on pouvait difficilement faire moins cryptique. Mais si la première était purement ridicule, les deux dernières se tenaient si l'on ne connaissait pas la jeune femme. Cette dernière vivait dans un monde dans lequel tout le monde était doté de pouvoirs extraordinaires, donc pourquoi pas l'immortalité !

-Huhu, je plaisante pour 3 ans mais sachez que 22 et 91 sont deux réponses valables pour mon âge réel. ~

Avec cette information, il était possible de déduire de quoi il s'agissait mais bon... Pratty n'était visiblement pas du genre à réfléchir, donc deviner de quoi il était question serait à sa discrétion.

Dans tous les cas, il était temps d'écouter ce qu'elle avait à dire sur son histoire. Une longue histoire, difficile et douloureuse pour elle. Eva resta attentive et silencieuse tout du long. Elle était très admirative d'à quel point l'héroïne tenait moralement parlant. Elle avait vu, subi et souffert des catastrophes que peu auraient pu encaisser. November n'aurait pas été jusqu'à dire qu'elle *aimait* ce qu'elle avait vécu mais elle se sentait frissonner rien qu'à l'idée des opérations que l'écossaise avait dû endurer.

-Vous êtes le genre de héros que j'admire tout particulièrement. Le genre à se relever malgré les difficultés. Je suis heureuse de pouvoir rencontrer quelqu'un de si forte et déterminée.

La goule lui adressa un sourire doux, mais quelque peu mélancolique.

-Je vous souhaite d'obtenir justice. Malgré tout, vous avez également été une victime dans l'histoire. Je vous promets de vous tenir au courant des avancées sur Mistral... Enfin, si j'en ai l'autorisation, bien entendu.

Eva s'était toujours dit qu'elle exploserait sûrement en rencontrant son tueur mais au final, elle ne le savait pas. Pourtant elle avait vu cette héroïne outrepasser ses limites physiques en tombant sur celle qui avait détruit sa vie et son corps. Alors peut-être... juste peut-être cette fois-ci se laisserait-elle aller à ses émotions. Peut-être qu'elle aussi finirait pas obtenir gain de cause.
Enfin, elle ne l'espérait même plus à ce stade. Cet homme était probablement décédé depuis belle lurette.

Eva prit doucement une gorgée de thé.

Ahhhh... Vous savez, quand les alters sont arrivés, les gens se sont vus octroyer des moyens d'accomplir des projets tellement plus simplement. Et... pour certaines personnes, qui seraient simplement restées des excentriques autrement, ils les ont convaincues de passer à des actes horribles. Mistral fait sûrement partie de ceux-là. Et elle donne l'impression d'être intouchable... Son visage devint plus sérieux. Ce genre de personne... qui pense la violence amusante... Je voudrais une fois... juste une fois leur faire connaître la peur. La terreur de mourir qu'ils ont fait subir à leurs victimes. Quand j'ai tenté de l'immobiliser, j'aurais tant aimé voir son visage se décomposer... Puis elle poussa un soupir. Je l'ai à peine déstabilisée...

Spoiler:

Il semblait bel et bien qu’Eva préférait les informations plus cryptiques aux vérités générales. Son âge, par exemple, avait tout du rébus enveloppé de mystère au sein d’une énigme. A croire qu’elle faisait ça exprès, juste pour embrouiller un peu plus l’esprit de l’écossaise qui faisait déjà preuve d’une grande patience en la laissant délirer ainsi. Surtout que les informations données n’aidaient pas vraiment. Après tout, elle n’avait aucunement l’air d’une nourisonne ou d’une grand-mère.

“Hein ?”

La réponse la plus sensée après tout, mais le fait qu’elle annonçait que deux des trois réponses faisaient sens avait de quoi lever bien des sourcils, quand bien même la mention de la troisième ne devait pas non plus demeurer vide. Il devait forcément y avoir une corrélation entre les trois, et après avoir fermé les yeux quelques instants, étudiant les différentes possibilités, l’héroïne annonça :

“3, 22 et 91 donc ? Galère… Ça m’étonnerait tout de même que t’ai que trois ans… Surtout avec le 91 derrière… Hum… Tu fais pas ton âge en tout cas, et à moins d’un truc où tu te retrouves comme téléportée dans le temps, je vois pas. Tu viens du passé et tu reviens nous hanter depuis 3 ans ?”

Au moins, ce qu’elle annonçait demeurait sensé. Une théorie parmi tant d’autres, qui ne trouveraient confirmation qu’auprès de l’intéressée. Cependant, le sujet de conversation bascula vers l’Européenne, et notamment ce qu’elle avait pu traverser au fil des ans. Si elle trouvait qu’il n’y avait rien de particulièrement glorieux dans cette sordide affaire, November déclara qu’elle éprouvait de l’admiration pour Dreadnought.

“Boarf, je sais pas si y’a grand chose de vraiment admirable. Y’a des types qui font mieux chaque jour dans les allées des hopitaux. Y’a des hommes et des femmes qui se démènent jours et nuits pour que d’autres puissent espérer remarcher. Et par chance, mon corps supportait bien les implants.”

Elle roula un peu des yeux, expliquant d’autres points :

“J’avais une carrière de cobaye toute tracée. A tester des implants, les pires prototypes commes les meilleurs. Mais ça m’emmerdait. Du coup, j’ai changé de voie, devenant héroïne. Je continue d’en tester à l’occasion, mais c’que j’fais sers surtout de bonne pub.”

Elle souffla une nouvelle fois du nez. Son parcours atypique ne lui avait pas donné que des camarades, des amis et des admirateurs, d’autant que son caractère agressif et colérique faisait souvent des étincelles. Mais pacifier les villes et les campagnes ne se ferait pas à coup de beaux slogans et de magnifiques costumes. Cela se ferait dans le sang et les larmes. Mais la justice avait un goût quelque peu amer actuellement.

“Si tu veux chercher des infos, libre à toi. Je vais fouiner de mon côté, trouver sa piste, même si je pense qu’elle viendra d’elle-même. Cependant, j’tiens à m’occuper d’elle, personnellement.”

Cela pouvait quelque peu sonner comme une menace. Après tout, sa voix vint à se durcir le temps de ces quelques intonations. Mais elle y tenait. Toute cette histoire faisait qu’elle ne pouvait faire autrement. Elle s’occuperait d’elle de ses propres mains lorsque le moment viendra. Et elle lui fera payer, tout.

Mais bref, une gorgée de thé un peu moins solenelle plus tard, et voilà que la justicière parlait comme une petite mémé, énonçant l’arrivée même des alters et de ce qu’ils permettaient de faire. Si les miracles existaient, les crimes avaient la part belle ici, même dans un pays pourtant strict comme le Japon.

“Si j’ai une raison de continuer, ça s’en approcherait.” Fit-elle en se redressant un peu plus : “Je veux que les criminels sâchent à l’avance que s’ils font des conneries, ils s’en tireront pas avec quelques heures de garde à vue et une réprimande. Je veux qu’ils sachent qu’ils risquent gros, car éventuellement ils tomberont sur moi, et que je les laisserai pas intacts. Et Mistral… Elle paiera. Elle paiera pour tout ceux qu’ont pas eu la chance que j’ai eu.”

Défis du calendrier:

Ah, au final, Eva avait mal calculé son coup vu que Pratty avait bel et bien compris de quoi il était question, du moins en partie. Enfin, la goule n'avait jamais réellement cherché à cacher sa nature à qui que ce soit. Sauf si l'on admettait que l'omission de ce détail comptait comme de la cachotterie. Le fait était qu'elle évitait d'en parler pour ne pas être traitée comme une handicapée du monde moderne, ce qu'elle était malgré tout.
Elle toqua sur sa tête d'un air nonchalant.

-Huhu oh noooon, je suis démasquée, quelle infortune ! ~

Comptait-elle élaborer ? Pas du tout ! Le plaisir du mystère, de la spéculation ! Bon, n'extrapolons rien, il y avait quand même certains détails que November préférait, personnellement, ellipser.

-C'est cependant tout ce que je vous en dirai, le reste est sans aucun doute trop intime. ~


En écoutant Dreadnought parler, Eva comprit que l'héroïne n'était pas spécialement fière de sa pratique. Ou tout du moins l'était-elle, mais pas là où la fantômette aurait pu le croire. Ce n'était pas parce que d'autres se démenaient qu'il fallait diminuer ce qu'elle faisait.
Ou même oublier ce qui avait été fait.

-Oh mais enfin mademoiselle, ne voyez pas vos agissements comme plus ou moins biens que d'autres ! La comparaison ne vous fera aucun bien, ce ne sont point les mêmes domaines ! Certes l'infirmier fait beaucoup pour ses patients mais n'oubliez pas que, sujet de test ou non, vous sauvez des innocents ! Elle se leva avant de faire un tour sur elle-même et de lever le doigt vers le ciel. Regardez ce que nous avons accompli à l'entrepôt ! Sans vous, ces civils seraient peut-être décédés ou souffriraient de séquelles à vie !

Eva n'était pas la dernière à saluer les héros du quotidien mais ça ne valait pas le coup de se rabaisser pour la comparaison. Elle se rassit avant de pousser un soupir.

-C'est ce que je n'apprécie pas dans le système héroïque, on vous fais vous considérer comme des panneaux publicitaires et des outils. Vous êtes tellement plus que cela...

Autrement, Eva se contenta de hocher la tête à l'injonction de Dreadnought. Evidemment, elle ne comptait pas lui voler sa vedette, plutôt à l'aider au contraire. Mais peut-être sa réplique avait été mal perçue ou mal comprise après tout.

En tout cas, la motivation de Pratty, même si amère, rejoignait celle de November.
Elle espérait très sincèrement que l'héroïne atteindrait son but et depuis le début, elle se retenait un peu de faire quelque chose auprès de Dreadnought.
Elle contourna la table, s'assit à côté de l'héroïne, et la prit dans ses bras.

Je vous souhaite cordialement et avec toute la sincérité du monde de réussir votre objectif...

C'était particulièrement risqué et la goule était prête à activer son intangibilité à tout moment si son intégrité physique était mise en danger.

La justicière semblait maintenir son culte du mystère autour de son identité. Même son âge, une information à partir de laquelle l’héroïne ne pouvait pas spécialement faire grand chose, resterait sans solution, sans aveux, juste sur cette mystérieuse énigme qui, au fond, n’apporterait pas grand chose. Après tout, elle n’avait pas forcément plus d’informations que ça sur fantômette. Mais était-ce si dérangeant ? La majorité de ses collègues se cachaient derrière de beaux pseudos et de superbes costumes. Même elle arborait un autre nom. Donc à quoi bon vouloir tout savoir ?

Mais bref, November se laissa aller à quelques points plus fantasques. Si ses propos concernant ce que l’héroïne faisait afin de sauver des vies pouvaient être exact, la manière qu’elle eu de tourner en rond sur elle-même fut accueillie par un regard confus, sceptique et un poil jugeur de la part de l’écossaise. Elle qui appréciait la tranquillité dans son appartement -ou à défaut, un désordre provenant d’elle-, voir quelqu’un commencer à s’ambiancer au beau milieu d’une tasse de thé fut… Surprenant.

“J’crois que t’as pas besoin de mettre autant d’énergie dans… Ça.” Elle soupira un coup. Après tout, elle n’allait pas non plus en faire un fromage, cela serait parfaitement ridicule, même si peut-être un peu moins que la justicière à l’instant. “Après, j’dis pas que j’fais rien, et j’suis consciente qu’avec mon taf, je sauve des vies. Mais j’te jure que c’est pas agréable de devoir tester un implant conçu avec les pieds et codé avec le cul.”

Si elle ne ferait pas mieux de ses propres mains, la technique étant clairement hors de son domaine de compétence, il restait que ce genre de mésaventure restait, et qu’en fonction de l’implant, il fallait une opération parfois complexe. C’était ce qu’il l’attendait de toute façon.

“J’maintiens que je suis meilleure pour ouvrir les plaies que pour les refemer.”

C’était comme ça qu’elle voyait son job après tout, n’en déplaise à certains puristes ou autres qui préféraient à ce que les héros soient les modèles de vertues invraissemblables. Elle en était de toute façon bien loin, au point d’être un panneau de piètre qualité, au contraire d’autres héros, comme le soulignait son invitée :

“C’est un des défauts, mais j’m’y fais. Enfin, plutôt non. J’aime pas les caméras et les interviews qu’ont le seul but de te faire passer pour une conne. Et le problème des journaleux, c’est que leur mettre une mandale va dans leur sens… A défaut, je fais juste en sorte de pas être invitable. Au moins on me fout la paix, même si ça fait chier mon agence.”

Peut-être s’était-elle trompée de voie, ou bien que sa conception de ce qu’elle pouvait faire était trop différente que ce qui était escompté. Après tout, elle préférait que ses actes parlent. Des sites spécialisés un tantinet sérieux se chargeraient ensuite de faire la promotion de ce qui était nécessaire. En bien comme en mal.

Toutefois, la suite fut encore plus perturbante que le tour qu’avait fait fantômette précédemment. Car si elle s’installa sur le canapé, elle vint à faire une embrassade surprise à l’héroïne, qui eu un mouvement de recul et de rejet en même temps que la surprise :

“Woh Woh Woh, calmos ! J’suis pas en recherche d’affection !”

Et encore, dans d’autres cas, elle aurait accompagnée ce rejet d’un poing dans la gueule. Mais elle était chez elle, elle était un tantinet plus apaisée que le reste du temps. Juste un peu. Et si ses phalanges ne la démangèrent pas de suite, il restait que c’était pour le moins bizarre. Après tout, le contact glacé de la justicière était… Perturbant au possible.

“Tain, t’es glaciale en plus. Tu veux une bouillotte ? Ou c’est ton alter qui t’fais ça ? Le second cas j’présume, autrement… C’est toi qui s’rait au fond d’un lit d’hôpital.”

Elle soupira une nouvelle fois, avant de clarifier les choses :

“Refais pas ça.”

L'utilité de mettre autant d'énergie dans ce merveilleux SPIN ? Aucune, mais Eva en avait eu l'inexplicable envie, comme si une force supérieure tout droit venue de la fin d'année lui avait ordonné de le faire. Enfin, pour ce que ça lui coûtait. Ce n'était pas comme si elle devait se plier en quatre pour le faire. Et puis même, si elle avait bel et bien dû se plier en quatre, elle aurait pu le faire !

Mais bref, malgré le fait que Pratty disait être consciente de sauver des vies, sa façon de le présenter restait assez pessimiste. Et rabaissante. Mais bon, Eva ne pouvait pas changer l'avis de quelqu'un comme on lui achèterait une nouvelle chemise. Mais si son travail était compliqué, elle devrait encore plus en être fière, surtout si elle parvenait à maintenir ses idéaux malgré les règles qu'elle-même trouvait restrictives et les journalistes invasifs.

-Je vois...

Il demeurait impressionnant que l'héroïne parvienne à ce point à résister à la médiatisation intensive cela dit. Vu tout ce que November voyait au quotidien et avait appris à Yuei, c'était presque mission impossible.

-Je pense que l'idée qu'éviter les caméras ne devrait pas être un effort mais bon... je suppose que c'est ainsi que le monde fonctionne. Ce n'est pas pour rien que j'ai préféré passer dans le vigilantisme. J'ai fait deux ans d'études héroïques et voyant ce qui m'attendait, j'ai préféré prévenir que guérir.

Cela dit, il était l'heure du câlin. Et ce fût à la grande surprise d'Eva qu'elle ne se retrouva pas victime d'une tentative d'agression physique. Même si elle avait très visiblement provoqué surprise et confusion chez Dreadnought. Elle ne devait pas être la plus habituée à recevoir des marques d'affection aussi gratuites, et encore moins d'une jeune femme qu'on aurait pensé congelée en la touchant.

-Ce n'est pas parce que vous n'en recherchez pas que je ne peux vous en offrir ! ~

Mais bon, si elle était si mal à l'aise, November la lâcherait finalement. Après tout, elle avait passé son soutien affectueux, elle pouvait désormais retourner à sa place.
Quant à sa température, clairement, elle avait tendance à omettre que cette dernière pouvait surprendre. Même après trois ans...

-Aaaaah navrée, j'ai tendance à oublier ce menu détail. ~ Elle posa la paume sur la joue. Je vous avait dit que je suis une fantômette. C'est dans la plupart des sens du termes, y compris la température. ~

Mais bon, la demande de l'héroïne serait scrupuleusement respectée... du moins tant que leur relation se limitait à celle qu'elle était en l'état.

-Oui madame, bien madame ! ~

Elle reprit une gorgée de thé mais alors qu'elle reposait sa tasse, une sonnerie vieillotte, tout droit sortie de début 2000 résonna dans sa poche. Elle agrippa son téléphone, qui pouvait clairement se comparer à un Nokia 3310 et après une courte discussion avec Atsushi qui lui demandait de préparer le bar pour le lendemain, elle commença à ranger ses petites affaires.

-Je vais malheureusement devoir filer. Je vous remercie pour votre hospitalité. Je repasserai à l'occasion ! ~

Elle effectua une petite courbette polie avant de quitter l'appartement... au boulot !