Dès lors qu’il avait passé la grille du lycée où il enseignait, l’allemand avait occulté de son esprit sa rencontre avec l’immigrée mexicaine, se tournant d’ors et déjà sur la journée de cours qu’il avait à donner. Il fallait savoir gérer ses priorités, et en l'occurrence, la sienne était de s’occuper convenablement de ses élèves jusqu’à la fin de la journée. Dans l’ensemble, il n’avait que rarement à se soucier de ceux-ci, ils ne causaient pas de soucis pendant ses cours. Ils savaient ce qu’il en coûtait de toute manière, aussi, même ceux qui ne prêtaient pas attention avaient l’obligeance de ne pas déranger ceux qui tentaient de suivre. Il ne pouvait pas faire grand-chose à ceux qu’il n'intéressait pas de toute manière, aussi se contentait-il de cette petite victoire.

Ses cours de la journée terminée, il se contenta de passer les derniers papiers dans sa mallette avant de quitter les lieux. La plupart des collègues avaient tendance à rester la tête dans le guidon jusqu’à parfois deux heures après la fin des cours, il préférait travailler chez lui en général avec un café et de la musique en fond. Devant la grille en revanche, la mexicaine attendait. Sa présence la fit réagir au quart de tour, puisqu’elle remonta le flux des élèves retardataires quittant l’établissement pour venir à sa rencontre, sous les regards surpris des jeunes. Elle avait au moins la présence d’esprit de reprendre en espagnol.

Elle voulait des cours privés, mais pas les payer? C’était intéressant comme idée, même si elle n’irait pas loin avec ce genre d’argumentaire. Un vague sourire parcourut son visage avant qu’il ne réponde.

“ Ah oui, Ivána n’est-ce pas. Charmante jeune femme, même si j’imagine que le poids des années lui pèse autant qu’à moi…” Son visage se referma et son ton se durcit avant qu’il ne reprenne. “ Suivez-moi/”

Silencieusement, et sans se soucier de savoir si la jeune fille le suivait effectivement, il quitta les lieux, prenant tranquillement la route jusqu’à chez lui, une grande maison entourée d’une barrière et d’un portail électrique qu’il ouvrit à la télécommande. Si Araceli était toujours là, il l’inviterait à entrer, refermant derrière lui et révélant un intérieur propre, mais austère, privilégiant la fonction à la forme. Déposant sa mallette sur une table, il se tourna vers son invitée.

“ Café? Thé? Jus de fruit? Eau?”

Prenant la commande, il se servit lui même un café préparé le matin même avant de partir, ayant ainsi le temps de refroidir, avant de se diriger vers la véranda, posant sa tasse sur une petite table et enjoignant son invitée à s’asseoir avant de reprendre la conversation en japonais.

“ Bon, où en étions nous? Ah oui, vous voulez des cours privés, mais pas les payer. En temps normal, j’aurais probablement refusé, mais je pense que nous pouvons arriver à un arrangement. Ne serait-ce que pour l’amitié que j’ai avec votre père.

Et en parlant de votre père…”

Un grand sourire se révéla sur le visage du blond, mais qui n’inspirait rien de bon. Les idées tournaient dans sa tête, et il n’y en avait guère avec une bonne fin.

“ Avez vous hérité de son alter, Miss Muñoz?”